le senegalais

le quotidien des senegalais

posté le 13-08-2011 à 22:49:57

Y EN A MARRE A L’EPREUVE DE L’ENVIE DES POLITICIENS

Pourquoi les rappeurs ne doivent pas être les bras armés du M23

Chroniqueur reconnu pour sa capacité à conceptualiser et saisir le sens des faits et attitudes politiques, Mame Less Camara a encore eu un trait de lucidité aux premières heures de Y en a marre sur l’espace public : il leur faut élaborer un discours. L’analyste, très expérimenté, avait une lecture très avant-gardiste du rôle de ce mouvement. D’abord, il est initié par des jeunes. Dans un pays comptant 58 % de sa population dans cette tranche d’âge, il est contre-productif de s’aliéner le point de vue d’un groupe qui s’érige en porte-voix. C’est, en quelque sorte, la voix de l’avenir. Un regard critique qui doit être posé sur les grandes options de gouvernance. Un regard, aussi, sur les actes posés en direction de ce grand voyage vers le futur.

Ensuite, ces jeunes n’ont pas le suffrage des urnes. Ils ne portent pas, sur la poitrine, les symboles tricolores de l’Administration territoriale, centrale, des collectivités locales ou du Parlement. Leur légitimité relève d’un devoir de vigilance sur toute la gestion du bien public et la demande démocratique. Un groupe de rap dit clairement : « c’est la rue qui nous a élus ». C’est dans une chanson, certes, mais, c’est une posture qui traduit un état d’esprit. Intimement, un rappeur parle et se comporte en représentant d’un courant rebelle à l’ordre, aux conspirations voire, de manière générique, les immobilismes politiques, sociaux, économiques, etc. Il n’est pas un conservateur englué dans les canaux traditionnels de compromis sociaux, les compromissions économiques et les dérives politiques.

Y en marre s’est jeté dans l’espace public avec la trompette du « Daas fanaanal » (campagne d’incitation à l’inscription sur les listes électorales). Le barrage à un troisième mandat du président Wade est venu garnir le tableau de griefs. En se massifiant, surtout avec des antennes locales et des actions d’utilité publique (assainissement, don de sang…), Y en a marre a suscité l’envie des politiques. Ceux-ci y voient une locomotive pour leurs grandes mobilisations. L’opposition, réunie au sein du CPA, a eu de la peine à faire sortir les Sénégalais dans la rue à la veille du démarrage de la campagne pour la présidentielle de 2007. La formule, très imagée, qui traduit l’impuissance des nouveaux opposants face à l’opposant historique fait florès : « Il n’y a pas un Wade face à Wade ». Ce n’est pas simplement une affaire d’homme, mais de style. Le Front Siggil Sénégal puis Bennoo n’ont pas fait mieux, hormis l’éclaircie des Locales de 2009. Une opposition, c’est une complicité avec les électeurs et, dans une large mesure, les foules, y compris dans leur passion hypnotique décryptée par les philosophes. Il était fait à Wade la querelle de n’être que le représentant des gamins n’ayant pas l’âge de voter. Son discours et se ténacité ont habité les cœurs de ces jeunes ayant connu une année blanche en 1988, une session unique en 1993 puis une année invalidée en 1994. Cette génération des Diagne Fada et Chaka, la fameux élève-leader de grèves au lycée Blaise Diagne, s’est forgée dans l’adversité. En 2000, les gamins ont grandi et ont perçu la nécessité de voter. Le Parti socialiste et ses alliés, alors au pouvoir,  ont été en retard d’un argument pour enrôler ces Sénégalais nés dans un contexte de sécheresse, d’ajustements structurels, d’ajustements structurels renforcés marqués par l’effondrement des secteurs sociaux comme l’éducation et la santé, de plan d’urgence Sakho-Loum avec les coupes sur les salaires, les revendications liées aux Impôts sur les revenus et les personnes physiques (IRPP). Indice de complicité avec la rue : l’entrée de Wade dans le Gouvernement élargi à l’opposition vide la rue de ses mécontents.

Aujourd’hui dans l’opposition, le Ps, les dérivés politiques de la maison socialiste telle que l’AFP essaient une opération de charme en direction de ces jeunes. Un exercice difficile pour ceux qui, dans la décennie 90, sous la férule du tout puissant ministre d’Etat chargé des Services et Affaires présidentiels, Ousmane Tanor Dieng, dépeignaient ces jeunes comme la « chair à canon d’Ousmane Ngom ». Les rôles ont changé. Le pouvoir socialiste avait refusé le Palais aux rappeurs si bien que l’audience entre le président Diouf et le duo Awadi-Doug e Tee ressemblait à un inédit. Preuves de la frilosité de ce système, le tube « Deuk bi lak na » (le pays est en flammes) de Yat-Fu est censuré par la Télévision nationale. Il y est question de dénonciation des agresseurs ! Le tube « C’est pas normal », fustigeant les délestages (déjà !), la corruption et la médiocrité dans certains secteurs de la communication, conçu par le Positive Black Soul a le même destin à la Radio nationale. Les temps changent. Les censeurs d’hier sont les prophètes d’aujourd’hui. Ils disent les destinées et détiennent, seuls, les portes du paradis des démocrates. Les rappeurs veillent. A haute voix.

Le 19 mars, Y en a marre boude les politiques et fait une opération en solo. Le 23 juin, Bennoo compte sur ces rappeurs pour faire échec au projet de loi constitutionnel instituant un ticket présidentiel et l’élection à la magistrature suprême à plus de 25% des suffrages valablement exprimés. La rue gronde. La colère inonde la Place Soweto et s’étend à Sandaga, notamment à l’hôtel des députés vandalisé et incendié.

Un mouvement de rap ne peut assumer des actes anti-républicains et aux antipodes du « peace and love » (paix et amour), sa philosophie de vie. La même remarque vaut pour les razzias organisées du 27 juin, au motif des coupures d’électricité. L’idée d’un soulèvement populaire est agitée. Plusieurs sources font état d’un refus des « Y en a marristes » d’être les bras armés de politiciens désireux de conquérir le pouvoir. Là, commencent les différences d’approche : lorsque les leaders de Bennoo veulent mettre la pression pour que Wade quitte le pouvoir au prétexte d’un  verdict de la rue, les rappeurs s’inscrivent dans le respect du calendrier républicain. Que Wade termine son mandat et jouisse de sa retraite politique. Cette option a douché bien des ardeurs !

Face à l’incapacité à mobiliser les Sénégalais autour de leur cause, certains opposants ont sauté sur l’occasion à eux offerte par le cours des évènements, ce 23 juin. Le subterfuge est, tout simplement, de s’accaparer tout le mérite au détriment de la Société civile, des rappeurs et des autres Sénégalais sortis spontanément pour cracher leur colère sur le projet de modification constitutionnel. Bennoo s’accroche à cette date en s’empressant de mettre sur pied le Mouvement du 23 juin. Très vite, le requiem du « Mouvement des Forces vives », porté sur les Fonts baptismaux vingt-quatre heures plus tôt au Centre Daniel Brottier, est prononcé. C’est un remontant pour une opposition en mal de méthode de lutte et aux pieds engourdis dans le salon, de Dansokho en lieu et place d’un travail de massification, sous le soleil sénégalais. Le seul cri de ralliement reste le départ de Wade. Ils se mettent sur les traces du chef de l’Etat, à Touba. Y en a marre refuse de s’adonner à ce jeu de politique après le combat ou de fidèle après les dévotions. Ils sont dans l’action : le « Daas fanaanal ». Une carte citoyenne pour exprimer son choix.

Lamine Birame Ndour

Sémiologue

Montréal - Canada

 

 

 


 
 
posté le 13-08-2011 à 22:42:29

Quelle opposition pour 2012?

En observant la scène politique sénégalaise l'on note deux forces en présence. Le candidat Abdoulaye WADE qui a déjà engagé sa campagne électorale et en face les prétendus ténors de l'opposition réunis sous la bannière de Benno Siggil Sénégal. Pour le premier cité, il ne s'agit plus que d'accepter la validation de sa candidature par le conseil constitutionnel, ou non. En attendant, toute l'armada Pds commence à se déployer à travers tout le pays. Pour Benno par contre, l'heure est à la réflexion. Le mois de ramadan est mis à profit, pour une  méditation transcendantale, histoire de reculer pour mieux sauter le prochain pas qui consiste à choisir un candidat unique, en septembre.

Un pas décisif pour l'opposition Sénégalaise qui devra faire face à ses démons intérieurs.  Pas facile, de choisir un seul leader sur une coalition de 38 partis signataires. Et à  bien y regarder, Benno Siggil Sénégal constitue un bloc hétérogène, avec des éléments de composition pour le moins disparates.  D'un côté, il y a la vieille garde composée de Moustapha NIASSE, d’Amath DANSOKHO, Abdoulaye BATHILY, Landing SAVANE, Cheikh Bamba Dièye. Anciens alliés du Président Wade et contributeurs de l'alternance. Ousmane Tanor DIENG, secrétaire général du Parti socialiste, baron du parti qui a été au pouvoir pendant 40 ans avant d'être renversé le 19 mars, une défaite qui  lui est imputable en partie par ces alliés d'aujourd'hui. Ironiquement, par le même Niasse dont les 17% ont permis à Wade de battre Diouf en 2000. Il y a  les non alignés comme Ibrahima Fall,  Abdoulaye DIACK,  Coumba Ndoffene Diouf, Jacques Diouf, Bruno Derneville etc...Et il y a les autres.

Candidature unique de Benno

 Un second pool bien distinct, composé des candidats formatés dans le PDS et qui se sont retrouvés opposants à la faveur de défénestration dans le gouvernement ou de frustrations envers le secrétaire général et le parti. Macky SALL, Idrissa SECK, Cheikh Tidiane GADIO, Aminata TALL, un noyau dur, qui à lui seul forme au sein de Benno la plus grande cause de déséquilibre, une sorte de PDS bis à l'intérieur de BENNO. En effet, 2012 est incontournable pour les deux premiers cités. Après l'étape de  la formation, ils ont l'obligation de se peser. Une confirmation pour Idy, de ses 14% obtenus en 2007. Un impératif pour Macky qui a besoin de savoir ce qu'il vaut politiquement.  De plus, tous les sondages avancent qu'une alliance IDY et Macky pèserait plus dans la balance que tout le Benno réuni.

Mais les antagonismes de Benno ne s'arrêtent pas là. Plusieurs organisations de la société civile adhèrent à l'opposition Sénégalaise. Trois d'entre elles proposent, Benno alternative avec à sa tête, un candidat vierge politiquement, pour marquer la rupture. Enfin il y a le mouvement Y'en a marre,  politiquement indéfini pour l'heure, plus populaire que la plupart des leaders. En bref, un candidat unique pour Benno serait une impossibilité absolue.

Quelle stratégie pour l'opposition?

De plus, la démarche même de l'opposition sénégalaise pose problème. Depuis cette mémorable journée du 23 juin. Benno Siggil Sénégal expose un manque d'arguments et une cécité politique avérée. L'appel à l'insurrection est brandi pour exiger du Président Wade, élu démocratiquement qu'il démissionne. Benno reproche au régime en place de créer les conditions de sa propre chute. Typique syndrome, du réveil  tardif d'une opposition en retard de plusieurs combats, bernée par une mauvaise lecture des événements de juin. Benno est allé vite en besogne en pensant s'appuyer sur des manifestations spontanées des jeunes  de la capitale sénégalaise pour faire partir le Président Wade. Dans leur analyse de la situation politique, qui a découlé de ces événements, ils pensaient attaquer un "Président vieillard, au plus bas des sondages, sénile, incapable, parce qu'ayant atteint ses limites objectives". Au lendemain du discours du 14 juillet, ils sont obligés d'affronter un adversaire décidé d'en découdre. C'était tout de même méjuger le Président WADE, que de penser qu'il allait se retirer aussi facilement, leur céder sa place et pourquoi pas les féliciter?

 Seulement voilà," Abdoulaye WADE vendra chèrement sa peau" en usant à profusion du style Wade, né du labeur de 27 ans d'opposition et de combats. La partie adverse vient tout  juste de le comprendre. A partir de ce moment, une course-poursuite interminable vient de débuter.  Un 23 juillet,  pour faire comme l'autre.  Mobiliser à la place de l'Obélisque pour réunir 3000 sympathisants pour une coalition de 38 candidats. Polémiquer pour semer le doute sur les deux millions de Sénégalais présents sur la Vdn. Pas un pas sans l'opposition chez le Khalife général des Mourides et accessoirement chez tous les khalifes généraux. Rebondir sur chaque sortie de Wade pour avoir enfin! Des thèmes de campagne du genre "Wakh Wakheet".

La vérité est qu'il est grand temps que Benno quitte les salons feutrés pour occuper le terrain avec des programmes électoraux et de véritables arguments pour mériter la confiance des Sénégalais. Peut être changer de stratégie? Proposer mieux que le ridicule statut de résident médiatique et prendre position sur le terrain qui ne se limite pas à Dakar, par ailleurs.

Pauvreté du discours politique

L'opposition Sénégalaise est en mal d'arguments. Et si quelques fois elle a raison, bien trop souvent, elle a tort et use de subterfuges pour déplacer le débat politique dans la rue, en incitant à la violence et à l'anarchie. Prêcheurs de l'apocalypse, ils soutiennent "si le Conseil Constitutionnel valide la candidature de Wade, le pays sera à feu et à sang". Etre opposant ne rime pas avec brevet de vertu. Le pari sur la violence et l'incitation au chaos sont devenus un sauf-conduit pour ne pas avoir à affronter un adversaire qui les dépasse de loin, semble t-il. Car en réalité qui a peur de qui? Et puis est-ce une raison suffisante de prendre le risque de transformer la rue en un immense ring où les principaux perdants seront encore les populations sénégalaises. Que faudra t-il sacrifier sur l'autel du Régner à tout prix, la stabilité de tout un pays? Le Conseil Constitutionnel validera ou pas la candidature d’Abdoulaye WADE, en attendant, l'opposition se tourne les pouces et oublie de préparer une alternative au cas où son calcul se révélerait faux.

Et puis quelle opposition! Des leaders formatés dans les flancs du parti qui les a expulsés et qu'ils combattent. Si ce n'est d'anciens alliés politiquement finis, plus préoccupés à des coups bas souterrains et qui se supportent à peine. Ou encore, des méritocraties  nostalgiques, à la retraite, qui viennent redorer leur blason en prétendant sauver le navire qui coule. Il y a aussi ceux qui se barricadent derrière la société civile et qui avancent masqués. Un mélange hétérogène réuni dans Benno qui ne peut avoir de candidat unique.

Et puis, elle manque de toute notre opposition, du plus basique. D'un leader charismatique. Ce guide avisé qui harangue les foules, réveille leur fibre patriotique et booste leur envie de changement. Quelqu'un qui fait rêver. Celui là devra étouffer les querelles intestines et aller à l'essentiel. La tâche est ardue. Il ne s'agit plus seulement de condamner, il faut surtout convaincre. Et il est à saluer la maturité du Sénégalais qui n'avale plus de couleuvres. Il a parfaitement compris que "Qui vote règne». Il s'attend à des réponses concrètes. Sortir du ténébreux et avancer vers la lumière. Il attend des arguments valables, comprendre que ces problèmes ne sont pas insolubles. Il ne se contentera plus de simples invectives, d'injures et de critiques. Et surtout pas qu'on lui propose d'aller à l'assaut de la République avec des jets de pierre, des pneus allumés, en insultant ,en cassant et en pillant. Car à bien y regarder, l'opposition Sénégalaise ne propose rien. Si ce n'est un discours au ras des pâquerettes où se retrouvent un ensemble de récriminations, entre les rancunes tenaces, le désappointement, la vanité, les songes creux et les ambitions inavouées. Elle se contente de déplorer vivement et de condamner fermement. Et après?

Si Benno était élu en 2012? Elle prône une gestion alternée du pouvoir. Un viol de la Constitution programmé dans la perspective déjà d'écourter le mandat présidentiel à trois ans pour permettre à tous les leaders de la coalition de prendre part aux affaires. Ce sera le schéma chaotique d'un charivari sans précédent!

Les suffrages suffiront à départager sereinement les candidats au soir du 26 février 2012. Les électeurs ne demandent qu'à être convaincus. Et pourquoi pas en toute responsabilité, avec un discours cohérent, un programme de société et un débat d'idées fécond. Une chose est certaine, les Sénégalais choisiront le meilleur candidat. Alors, pourquoi leur proposer comme unique option de dévaler allégrement les pentes du chaos et de l'instabilité?

DJIBRILLA

 

 

 


 
 
 

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