En observant la scène politique sénégalaise l'on note deux forces en présence. Le candidat Abdoulaye WADE qui a déjà engagé sa campagne électorale et en face les prétendus ténors de l'opposition réunis sous la bannière de Benno Siggil Sénégal. Pour le premier cité, il ne s'agit plus que d'accepter la validation de sa candidature par le conseil constitutionnel, ou non. En attendant, toute l'armada Pds commence à se déployer à travers tout le pays. Pour Benno par contre, l'heure est à la réflexion. Le mois de ramadan est mis à profit, pour une méditation transcendantale, histoire de reculer pour mieux sauter le prochain pas qui consiste à choisir un candidat unique, en septembre.
Un pas décisif pour l'opposition Sénégalaise qui devra faire face à ses démons intérieurs. Pas facile, de choisir un seul leader sur une coalition de 38 partis signataires. Et à bien y regarder, Benno Siggil Sénégal constitue un bloc hétérogène, avec des éléments de composition pour le moins disparates. D'un côté, il y a la vieille garde composée de Moustapha NIASSE, d’Amath DANSOKHO, Abdoulaye BATHILY, Landing SAVANE, Cheikh Bamba Dièye. Anciens alliés du Président Wade et contributeurs de l'alternance. Ousmane Tanor DIENG, secrétaire général du Parti socialiste, baron du parti qui a été au pouvoir pendant 40 ans avant d'être renversé le 19 mars, une défaite qui lui est imputable en partie par ces alliés d'aujourd'hui. Ironiquement, par le même Niasse dont les 17% ont permis à Wade de battre Diouf en 2000. Il y a les non alignés comme Ibrahima Fall, Abdoulaye DIACK, Coumba Ndoffene Diouf, Jacques Diouf, Bruno Derneville etc...Et il y a les autres.
Candidature unique de Benno
Un second pool bien distinct, composé des candidats formatés dans le PDS et qui se sont retrouvés opposants à la faveur de défénestration dans le gouvernement ou de frustrations envers le secrétaire général et le parti. Macky SALL, Idrissa SECK, Cheikh Tidiane GADIO, Aminata TALL, un noyau dur, qui à lui seul forme au sein de Benno la plus grande cause de déséquilibre, une sorte de PDS bis à l'intérieur de BENNO. En effet, 2012 est incontournable pour les deux premiers cités. Après l'étape de la formation, ils ont l'obligation de se peser. Une confirmation pour Idy, de ses 14% obtenus en 2007. Un impératif pour Macky qui a besoin de savoir ce qu'il vaut politiquement. De plus, tous les sondages avancent qu'une alliance IDY et Macky pèserait plus dans la balance que tout le Benno réuni.
Mais les antagonismes de Benno ne s'arrêtent pas là. Plusieurs organisations de la société civile adhèrent à l'opposition Sénégalaise. Trois d'entre elles proposent, Benno alternative avec à sa tête, un candidat vierge politiquement, pour marquer la rupture. Enfin il y a le mouvement Y'en a marre, politiquement indéfini pour l'heure, plus populaire que la plupart des leaders. En bref, un candidat unique pour Benno serait une impossibilité absolue.
Quelle stratégie pour l'opposition?
De plus, la démarche même de l'opposition sénégalaise pose problème. Depuis cette mémorable journée du 23 juin. Benno Siggil Sénégal expose un manque d'arguments et une cécité politique avérée. L'appel à l'insurrection est brandi pour exiger du Président Wade, élu démocratiquement qu'il démissionne. Benno reproche au régime en place de créer les conditions de sa propre chute. Typique syndrome, du réveil tardif d'une opposition en retard de plusieurs combats, bernée par une mauvaise lecture des événements de juin. Benno est allé vite en besogne en pensant s'appuyer sur des manifestations spontanées des jeunes de la capitale sénégalaise pour faire partir le Président Wade. Dans leur analyse de la situation politique, qui a découlé de ces événements, ils pensaient attaquer un "Président vieillard, au plus bas des sondages, sénile, incapable, parce qu'ayant atteint ses limites objectives". Au lendemain du discours du 14 juillet, ils sont obligés d'affronter un adversaire décidé d'en découdre. C'était tout de même méjuger le Président WADE, que de penser qu'il allait se retirer aussi facilement, leur céder sa place et pourquoi pas les féliciter?
Seulement voilà," Abdoulaye WADE vendra chèrement sa peau" en usant à profusion du style Wade, né du labeur de 27 ans d'opposition et de combats. La partie adverse vient tout juste de le comprendre. A partir de ce moment, une course-poursuite interminable vient de débuter. Un 23 juillet, pour faire comme l'autre. Mobiliser à la place de l'Obélisque pour réunir 3000 sympathisants pour une coalition de 38 candidats. Polémiquer pour semer le doute sur les deux millions de Sénégalais présents sur la Vdn. Pas un pas sans l'opposition chez le Khalife général des Mourides et accessoirement chez tous les khalifes généraux. Rebondir sur chaque sortie de Wade pour avoir enfin! Des thèmes de campagne du genre "Wakh Wakheet".
La vérité est qu'il est grand temps que Benno quitte les salons feutrés pour occuper le terrain avec des programmes électoraux et de véritables arguments pour mériter la confiance des Sénégalais. Peut être changer de stratégie? Proposer mieux que le ridicule statut de résident médiatique et prendre position sur le terrain qui ne se limite pas à Dakar, par ailleurs.
Pauvreté du discours politique
L'opposition Sénégalaise est en mal d'arguments. Et si quelques fois elle a raison, bien trop souvent, elle a tort et use de subterfuges pour déplacer le débat politique dans la rue, en incitant à la violence et à l'anarchie. Prêcheurs de l'apocalypse, ils soutiennent "si le Conseil Constitutionnel valide la candidature de Wade, le pays sera à feu et à sang". Etre opposant ne rime pas avec brevet de vertu. Le pari sur la violence et l'incitation au chaos sont devenus un sauf-conduit pour ne pas avoir à affronter un adversaire qui les dépasse de loin, semble t-il. Car en réalité qui a peur de qui? Et puis est-ce une raison suffisante de prendre le risque de transformer la rue en un immense ring où les principaux perdants seront encore les populations sénégalaises. Que faudra t-il sacrifier sur l'autel du Régner à tout prix, la stabilité de tout un pays? Le Conseil Constitutionnel validera ou pas la candidature d’Abdoulaye WADE, en attendant, l'opposition se tourne les pouces et oublie de préparer une alternative au cas où son calcul se révélerait faux.
Et puis quelle opposition! Des leaders formatés dans les flancs du parti qui les a expulsés et qu'ils combattent. Si ce n'est d'anciens alliés politiquement finis, plus préoccupés à des coups bas souterrains et qui se supportent à peine. Ou encore, des méritocraties nostalgiques, à la retraite, qui viennent redorer leur blason en prétendant sauver le navire qui coule. Il y a aussi ceux qui se barricadent derrière la société civile et qui avancent masqués. Un mélange hétérogène réuni dans Benno qui ne peut avoir de candidat unique.
Et puis, elle manque de toute notre opposition, du plus basique. D'un leader charismatique. Ce guide avisé qui harangue les foules, réveille leur fibre patriotique et booste leur envie de changement. Quelqu'un qui fait rêver. Celui là devra étouffer les querelles intestines et aller à l'essentiel. La tâche est ardue. Il ne s'agit plus seulement de condamner, il faut surtout convaincre. Et il est à saluer la maturité du Sénégalais qui n'avale plus de couleuvres. Il a parfaitement compris que "Qui vote règne». Il s'attend à des réponses concrètes. Sortir du ténébreux et avancer vers la lumière. Il attend des arguments valables, comprendre que ces problèmes ne sont pas insolubles. Il ne se contentera plus de simples invectives, d'injures et de critiques. Et surtout pas qu'on lui propose d'aller à l'assaut de la République avec des jets de pierre, des pneus allumés, en insultant ,en cassant et en pillant. Car à bien y regarder, l'opposition Sénégalaise ne propose rien. Si ce n'est un discours au ras des pâquerettes où se retrouvent un ensemble de récriminations, entre les rancunes tenaces, le désappointement, la vanité, les songes creux et les ambitions inavouées. Elle se contente de déplorer vivement et de condamner fermement. Et après?
Si Benno était élu en 2012? Elle prône une gestion alternée du pouvoir. Un viol de la Constitution programmé dans la perspective déjà d'écourter le mandat présidentiel à trois ans pour permettre à tous les leaders de la coalition de prendre part aux affaires. Ce sera le schéma chaotique d'un charivari sans précédent!
Les suffrages suffiront à départager sereinement les candidats au soir du 26 février 2012. Les électeurs ne demandent qu'à être convaincus. Et pourquoi pas en toute responsabilité, avec un discours cohérent, un programme de société et un débat d'idées fécond. Une chose est certaine, les Sénégalais choisiront le meilleur candidat. Alors, pourquoi leur proposer comme unique option de dévaler allégrement les pentes du chaos et de l'instabilité?
DJIBRILLA